Série : Partie 1 sur 2
LE CONTEXTE DE L’ADOPTION DE L’AGILITÉ
État d’esprit, carnet (ou backlog), itération, rétrospective… vous avez certainement déjà entendu ces mots-clés associés aux approches Agile dans votre lieu de travail. Si ce n’est pas encore le cas, ça le sera probablement très bientôt.
Poussés par de nombreux facteurs du marché, notamment la transformation (ou disruption, selon les points de vue) numérique en cours, les clients et les utilisateurs demandent, ou plus précisément, exigent, que les entreprises fournissent des solutions innovantes, une mises en marché plus rapides, un meilleur coût-efficacité, une meilleure qualité et une adaptabilité élevée.
Selon la 13e et plus récente édition du rapport (2019) du plus grand et plus ancien sondage Agile au monde, connu sous le nom de State of AgileTM (www.stateofagile.com), près des trois quarts (74 %) des répondants estiment que la principale raison d’adopter l’agilité consiste à « accélérer la livraison des logiciels », et plus de la moitié (51 %) des répondants citent « l’accroissement de la productivité » parmi leurs motivations.
Le même rapport State of AgileTM indique que plus des deux tiers (69 %) des personnes interrogées ont déclaré que la « capacité à gérer des priorités fluctuantes » représentait le principal avantage d’une adoption des méthodes Agile pour les entreprises.
Ces résultats comptent sans aucun doute parmi les objectifs de toutes les organisations, et font ainsi une approche Agile de plus en plus acceptée et adoptée. Tout n’est pas toujours aussi rose en mode Agile, évidemment, et il est important de savoir que si l’agilité a de nombreux avantages, son adoption comporte aussi beaucoup de défis, qui doivent être relevés de manière proactive afin de promouvoir une transformation réussie.
LES DÉFIS DANS L’ADOPTION DE L’AGILITÉ
Comme indiqué dans l’illustration suivante, l’adoption de l’agilité s’accompagne de nombreuses défis, identifiés année après année par les répondants au sondage annuel State of AgileTM.
Les défis rencontrés dans l’adoption de l’agilité
Source : 13e rapport annuel State of AgileTM (2019, en anglais)
Comme indiqué ci-dessus, le dernier rapport, daté de 2019, indique que plus de la moitié (52 %) des répondants au sondage ont déclaré qu’ « une culture organisationnelle en contradiction avec les valeurs agiles » représente le plus grand défi dans une adoption de l’agilité.
Les défis ci-dessus ne vivent pas en vase clos; elles s’influencent mutuellement à des degrés divers. Un défi clé également souligné ci-dessus et citée par plus d’un tiers (36 %) des répondants au sondage est la « Formation et éducation insuffisantes », qui contribuent à l’apparition et au renforcement des autres défis.
En tant que coach Agile utilisant activement la formation Agile pour aider les organisations et les équipes à adopter Agile avec succès, j’ai rencontré au fil des ans — dans le secteur privé et dans les institutions académiques —, la plupart des défis illustrés ci-dessus. Ces défis affectent directement ou indirectement la qualité, l’efficacité et la rétention générale des apprentissages des divers types de formations Agile.
Dans cette première de deux parties, je me concentrerai sur quatre grands défis (présentés dans le tableau ci-dessous) que j’ai rencontrés régulièrement et que j’aborde dans la formation Agile. J’utilise l’acronyme FLEX pour désigner collectivement ces défis.
Difficultés FLEX dans la formation Agile | ||||
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La deuxième partie de cette série développe ce qui précède à l’aide de techniques éprouvées pour aborder d’autres défis à la formation Agile que Bruno Bouchard, mon collègue de PMC, et moi-même avons présentés avec succès ce mois-ci lors de la conférence Agile Alliance XP2019 à Montréal, au Canada. Ce fut la première édition à se tenir hors d’Europe!
LES DÉFIS FLEX
Les exemples pratiques suivants décrivent des techniques éprouvées permettant de résoudre les défis FLEX. Nous espérons qu’elles vous aideront à progresser et à apprendre à vous « FLEXercer » à surmonter les défis de l’enseignement Agile
Flair pour l’ambiance de la classe
Pour relever les défis FLEX, avoir du « Flaire pour l’ambiance de la classe » est un facteur-clé de la réussite dans l’adoption et la formation Agile.
Un formateur Agile enseigne généralement l’état d’esprit Agile (basé sur les valeurs et principes du Manifeste Agile). Cela permet de mener la formation dans divers cadres à l’aide de pratiques et techniques Agile qui fournissent des exemples concrets illustrant l’application du mode de pensée Agile.
Un « Flair pour l’ambiance de la classe » fait référence à la lentille à travers laquelle la classe perçoit et interprète les enseignements Agile, ce qui améliore à la fois la qualité de la prestation du cours et la rétention et l’application générale des enseignements.
Deux éléments clés renforçant le « sentiment » d’un formateur Agile sont la prise en compte des divers styles d’apprentissage de même que la culture de travail.
Il existe de nombreux modèles pour décrire les styles d’apprentissage des individus, mais celui que j’utilise est bien connu et a fait ses preuves. Il s’agit du modèle VARK (illustré ci-dessous), accompagné de listes à puces décrivant des techniques de formation à envisager pour chaque style d’apprentissage :
VARK – Styles d’apprentissage
Source : http://vark-learn.com
Par exemple, si la formation Agile tente d’enseigner le concept des carnets (en anglais backlogs) et comment les utiliser, le formateur Agile pourra dessiner un carnet accompagné d’objets classés en ordre de priorité sur un tableau blanc pour les apprenants visuels; lancer une discussion sur le sujet pour les apprenants auditifs; distribuer un document ou un manuel pour les apprenants qui privilégient la lecture et l’écriture; et préparer quelques exercices pratiques pour les apprenants kinesthésiques.
En plus des styles d’apprentissage susmentionnés, il est important de comprendre la culture de travail des participants et comment elle s’aligne ou s’oppose avec les valeurs et les principes d’Agile. Cela vous aidera énormément à donner la formation Agile. Les exercices de réchauffement et les jeux de rôle constituent d’excellentes techniques pour permettre aux participants de décrire leur environnement de travail et de mieux se connaitre entre eux!
Manque de participation ou de disponibilité
Parmi les défis FLEX, résoudre le « Manque de participation ou de disponibilité » est un autre facteur clé qui favorise la réussite d’une adoption ou formation Agile.
Un état d’esprit Agile favorise énormément la collaboration. Les formateurs Agile efficaces savent différencier la présence passive des membres d’une classe (on se sent comme à une réunion) de la contribution active (on se sent comme à un atelier).
Le mot participation a la même racine que partie. Chacun doit sentir qu’il fait partie de quelque chose, être engagé et présent. Ce défi concerne le niveau d’engagement et de présence des individus et des équipes qui suivent une formation Agile.
Dans le pire des cas, ceux qui ne se présentent pas à la formation indiquent de ce fait qu’ils y accordent peu de valeur ou qu’ils ont d’autres priorités. Ce défi concerne également la qualité de l’engagement et de la présence des participants. Avez-vous déjà livré ou reçu une formation Agile qui ressemblait à celle représentée ci-dessous?
Pensez à d’excellents cours que vous avez déjà suivis. En quoi étaient-ils excellents, en quoi ont-ils dépassé vos attentes? Comment éviter ou limiter les conditions qui mènent au scénario de formation illustré ci-dessus?
Gardez à l’esprit certaines des techniques éprouvées suivantes pour surmonter ce défi FLEX :
- Établissez quelques règles d’engagement de base qui peuvent concerner notamment, sans s’y limiter : des horaires de début et de fin stricts, l’utilisation de technologies, le niveau de participation attendu;
- Identifiez dès le début de la formation son enjeu pour les participants, en cernant leurs attentes et en reliant ces dernières aux avantages qu’ils tireront de leur participation active lors de la formation;
- Rendez votre formation ludique, soyez motivant et évitez de noyer les participants dans une présentation PowerPoint en gardant en tête que les diapositives, les manuels et les documents distribués doivent constituer des aides visuelles destinées à renforcer la formation, pas à la remplacer!
Éluder l’état d’esprit Agile
Les formateurs Agile se butent couramment à ce défi FLEX lorsqu’ils introduisent les concepts Agile dans un environnement nouveau ou non-Agile, souvent marqué par les défis d’adoption d’Agile illustrées précédemment, telles qu’ « une culture organisationnelle en contradiction avec les valeurs agiles », la « résistance générale de l’organisation au changement » et l’« omniprésence du développement traditionnel (cascade) ».
Voici quelques exemples courants d’« Éluder l’état d’esprit Agile » souvent cités en classe : le changement de portée ou d’exigences perçu comme négatif, les équipes d’affaires et techniques travaillant en silos avec une communication unidirectionnelle limitée, les heures supplémentaires, la complexité des solutions et les approches de type « Big Bang » ou « Stage-Gate ».
Pour aborder ce défi, les formateurs Agile doivent tenter de mieux comprendre la culture de travail telle que décrite plus haut à propos du défi « Flair pour l’ambiance de la classe », mais ils devraient s’attendre, dans chaque classe, à noter une différence dans l’appétit et la répartition des personnes prêtes à adopter ou à éviter le mode de pensée Agile.
Inspiré par la théorie de la « diffusion des innovations » introduisant les concepts d’Innovateurs et d’Adopteurs précoces, d’utilisateurs Majoritaires et de Retardataires dans l’introduction d’un nouveau produit (voir l’illustration ci-dessous), j’ai appris par expérience qu’une classe comprend toujours un groupe de participants désireux d’apprendre et d’adopter l’état d’esprit Agile, la majorité étant ouverte aux nouveaux concepts Agile, et un groupe de retardataires et de sceptiques.
Diffusion des innovations appliquée à la formation Agile
(Remarque : Les proportions de chacun des groupes ci-dessus peuvent varier en fonction des classes)
Au moyen de discussions sur le milieu de travail et les expériences, j’utilise des scénarios réels pour simuler une variété de valeurs et principes du mode de pensée Agile, mais je le fais d’abord avec les adopteurs précoces dans la classe, pour ensuite amener lentement mais sûrement la majorité des participants à percevoir et intérioriser les avantages d’un mode de pensée Agile.
Il importe de ne pas traiter les retardataires de la classe comme des citoyens de seconde zone. Bien au contraire : je les invite à participer à la solution (plutôt que de les traiter comme une partie du problème) en leur demandant d’observer et d’identifier en continu des situations qu’ils peuvent critiquer selon leurs propres perspectives. Mon objectif, clairement énoncé dès le début, est de les amener à « être sceptique de leur scepticisme »!
Support manquant (de la direction) pour la transformation Agile
Ce défi classique affecte la prestation et les résultats attendus ou l’application d’une formation Agile ainsi que le moral et la motivation d’ensemble de l’équipe.
La manque de support dans le cadre d’une transformation peut amener les formateurs Agile à entendre des commentaires comme ceux-ci :
- « Bien sûr… notre direction a payé pour cette formation Agile, mais n’y croit pas vraiment.»
- « Nous aimerions que les membres de notre comité directeur suivent cette formation pour mieux comprendre Agile ».
- « L’organisation s’attend à ce que les équipes d’exécution se transforment, mais que les équipes de direction restent telles quelles. »
- « Notre commanditaire insiste pour que nous subissions cette transformation Agile tout en respectant les mêmes délais. »
En tant que coach Agile ayant mené de nombreuses transformations Agile, j’éprouve et je manifeste toujours une profonde empathie envers les individus et les équipes que je forme et qui déplorent l’absence de soutien en me faisant part de commentaires tel que ceux présentés ci-dessus.
Certaines techniques efficaces permettent de surmonter ces défis : inviter la direction, les dirigeants ou les cadres à une séance préalable avant ou au début de la formation Agile. Une telle séance est l’occasion de souligner l’importance de la formation Agile et de la relier à la stratégie d’entreprise ou de transformation. On peut ainsi aborder les attentes de la direction à l’égard des participants à la formation et l’appui auquel ces derniers peuvent s’attendre de la part de la direction et en ce qui concerne la transformation Agile qui suivra la formation.
En outre, il m’arrive souvent de rencontrer ce défi lorsque je donne une formation dans le cadre d’une transformation Agile ayant déjà échoué, s’étant concentrée exclusivement sur une formation couvrant les techniques et pratiques Agile au détriment d’une formation et d’un coaching visant à établir une culture fondée sur l’état d’esprit Agile et le leadership serviteur. Comme illustré ci-dessous, pour réussir à promouvoir la formation et l’adoption de l’agilité, il convient de concentrer d’abord la formation et le coaching de soutien sur le « Savoir être AGILE », puis, une fois cette notion intériorisée, la formation peut porter sur le « Savoir-faire AGILE ».
Par: Michael Delis B.Ing. PMP, PMI-ACP, SPC4, ACC, CDAP, CLP, CSP, CSM, PRINCE2
Michael occupe le poste de Vice-Président Exécutif et Directeur de la Formation et Méthodes chez PMC- Project Management Centre. En tant que coach, formateur et conseiller sénior, il vous invite à lui faire part de vos commentaires sur ce qui précède ainsi que sur d’autres défis que vous avez peut-être rencontrés dans le cadre d’une formation Agile qui n’étaient pas couverts ci-dessus. Il vous en dira davantage le mois prochain dans la seconde partie de cette série.