Série : Partie 2 de 2
PRINCIPAUX DÉFIS FLEX
Dans la Partie 1 de cette série de deux parties, j’ai présenté 4 défis FLEX de base (voir le tableau ci-dessous) qui doivent être régulièrement relevés lors de la diffusion d’une formation Agile, ainsi que plusieurs techniques permettant de résoudre chacun d’entre eux :
Défis FLEX dans la formation Agile |
Flair pour l’ambiance de la classe (styles d’apprentissage et culture de travail)
Feel for the class (learning styles and work culture) |
Manque de participation ou de disponibilité (engagement)
Lack of participation or availability (engagement) |
Éluder l’état d’esprit Agile (valeurs/principes)
Eluding the Agile mindset (values/principles) |
Support manquant de la direction pour la transformation Agile
X-formation non-support for Agility (management) |
Dans la Partie 2, je partagerai des techniques éprouvées pour relever les autres défis de la formation Agile. Bruno Bouchard, mon collègue chez PMC, et moi les avons présentées avec succès à la fin mai, à Montréal (Canada), à la conférence XP2019, parrainée par Agile Alliance, qui se tenait pour la première fois à l’extérieur de l’Europe. Les techniques ont été acceptées et seront présentées à la fin novembre dans le cadre du Agile Tour Montréal 2019!
DÉFIS FLEX ÉLARGIS
Le tableau ci-dessous présente les 4 principaux défis FLEX précédemment traités, et 7 autres défis (surlignés) auxquels les formateurs sont généralement confrontés lors de la diffusion d’une formation Agile :
Défis FLEX élargis dans la formation Agile |
Flair pour l’ambiance de la classe (styles d’apprentissage et culture de travail)
Feel for the class (learning styles and work culture) |
Manque de participation ou de disponibilité (engagement)
Lack of participation or availability (engagement) |
Éluder l’état d’esprit Agile (valeurs/principes)
Eluding the Agile mindset (values/principles) |
Support manquant de la direction pour la transformation Agile
X-formation non-support for Agility (management) |
Identification des niveaux agiles (maturité, compétences, org.)
Identification of Agile levels (maturity, skills, org.) |
Blocage du message agile (message non compris)
Block in Agile message (not getting through) |
Indifférence face à l’agilité (résistance au changement)
Indifference to Agile (resistance to change) |
Organisation pour la diffusion la formation Agile (salle, matériel, visuels)
Logistics for Agile training (room, materials, visuals) |
Investissement dans la formation Agile (incapacité de faire le lien avec la valeur/le travail)
Investing in Agile training (unable to link to value/job) |
Terminologie utilisée dans Agile (jargon technique, usages)
Terminology used in Agile (jargon, practices) |
Vous vous trompez! (complexe de Dieu)
You’re wrong! (a.k.a. GOD complex) |
Vous trouverez dans les pages suivantes des techniques éprouvées pour relever chacun des défis FLEX élargis (surlignés dans le tableau), permettant au facilitateur de renforcer sa FLEXIBILITÉ lors de la diffusion d’une formation Agile!
Identification des niveaux agiles
Un défi auquel est couramment confronté un facilitateur Agile, lors de la diffusion d’une formation, vient du fait que les participants possèdent divers niveaux de connaissances, compétences, expérience et de maturité Agile en général.
Relever ce défi est un facteur clé dans la réussite de la formation Agile. Pour ce faire, j’utilise avec succès la technique suivante : au début de chaque cours, j’invite les participants à se trouver un partenaire (idéalement une personne qu’ils connaissent peu ou pas) et à recueillir auprès de lui les 3 informations suivantes :
- Dans quelle mesure votre partenaire possède-t-il une expérience Agile et, s’il y a lieu, lui demander des exemples récents.
- En plus des objectifs établis pour le cours, quelles sont les attentes de votre partenaire quant à son parcours pour que le cours soit un succès?
- Enfin, lui demander quelque chose d’unique à son sujet (connu par très peu d’autres).
Si le groupe compte un nombre impair de participants, le facilitateur peut participer à cette activité. Chaque paire s’adresse ensuite à la classe, pour présenter son partenaire et partager les informations recueillies plus tôt.
Le principal avantage de cette activité est de fournir au facilitateur des informations essentielles lui permettant de déterminer rapidement et d’exploiter les différents niveaux de maturité Agile de chacun des participants. Il peut ainsi adapter et personnaliser sa prestation, favorisant un apprentissage optimal, l’engagement et la satisfaction des attentes des participants à la formation Agile.
Cette activité offre d’autres avantages, car elle sert à briser la glace. Elle aide à créer une synergie et à développer les relations entre les participants; elle aborde également les concepts clés Agile d’auto-organisation et de bloc de temps (timeboxing) de l’activité.
Blocage du message agile
Malgré le niveau d’expertise et d’expérience d’un facilitateur Agile, il peut arriver que les participants ne comprennent tout simplement pas et que le message « ne passe pas ».
Cela peut même se produire après qu’un formateur Agile ait essayé d’expliquer et d’enseigner le concept Agile dans différents formats, en tenant compte des styles d’apprentissage que préfèrent les participants, basés par exemple sur le modèle VARK (visuel, auditif, lecture/écriture ou kinesthésique) qui a été traité dans la partie 1.
Les techniques suivantes sont efficaces pour relever ce défi. Le facilitateur peut, par exemple, décomposer un concept Agile en idées plus simples et plus faciles à assimiler. Il peut également utiliser une métaphore pour expliquer le concept Agile dans un contexte auquel les élèves peuvent s’identifier ou mieux comprendre; par exemple, il pourrait décrire les différents membres, rôles et responsabilités au sein d’une famille, afin d’expliquer la nature interfonctionnelle et multidisciplinaire des équipes agiles efficaces.
Une autre technique éprouvée pour prévenir le blocage du message Agile est de faire appel à un cofacilitateur. L’expérience d’un autre formateur Agile complète la vôtre, réduit la possibilité d’un blocage, tout en rendant la formation plus riche et dynamique.
Indifférence face à l’agilité
L’indifférence face à l’agilité et une résistance générale au changement posent un autre défi, particulièrement dans le cadre d’une transformation Agile dans une organisation qui n’est pas familière avec ces concepts.
Même en présence d’un formateur Agile très expérimenté et motivant, la compréhension des nouveaux concepts agiles sera pratiquement impossible si les élèves sont indifférents, s’ils ne démontrent pas un intérêt sincère à apprendre et résistent au changement.
Cette situation diffère du défi « manque de participation ou de disponibilité » traité dans la partie 1, alors que les participants ne s’engagent pas non par indifférence face à l’agilité mais plutôt en raison d’une mauvaise perception des avantages à tirer de la formation Agile, ce que l’on nomme communément le facteur WIIFM (What’s in it for me – Qu’est-ce que cela va m’apporter?)
Ce défi concerne plutôt le « pourquoi » entreprendre ce parcours d’apprentissage Agile. L’expression « Ne réparez pas ce qui n’est pas brisé » traduit bien ici la mentalité des élèves à l’égard de ce défi. Celui-ci se présente généralement dans les environnements où l’on utilise systématiquement l’approche en cascade (Waterfall) qui, comme nous l’avons indiqué dans la partie 1, constitue l’un des facteurs courants ayant un impact négatif sur la réussite d’une adoption Agile.
La solution pour relever ce défi consiste à faire un lien entre le contenu de la formation Agile et les véritables difficultés que rencontrent les participants dans leur environnement de travail. Le formateur peut utiliser des simulations ou des jeux de rôle basés sur des scénarios de travail réels pour amener les participants à discuter activement des difficultés rencontrées. Une analyse plus poussée peut être effectuée rapidement en utilisant la règle des « 5 pourquoi ». Elle permettra au formateur d’intégrer, dans de possible solutions, les concepts et techniques agiles enseignés afin de résoudre les difficultés et leurs causes.
Ayant eu souvent l’occasion de noter des difficultés similaires, un formateur Agile expérimenté pourrait présenter des exemples concrets où la méthode Agile a permis de résoudre efficacement un problème au travail, dans les affaires, ou pour un client. Un problème courant, par exemple, est de fournir une solution qui ne répond pas aux attentes du client. La cause principale de ce problème est la rétroaction tardive de l’approche en cascade big bang, alors que la rétroaction précoce – même négative – de la méthode progressive Agile permet d’apporter un ajustement positif.
Organisation pour la formation Agile
En général, une bonne organisation est un facteur clé dans le succès d’une formation; ceci est particulièrement vrai dans le cas d’une formation Agile. Celle-ci comprend habituellement de nombreux ateliers; un espace suffisant sur les murs et dans la classe est donc nécessaire pour favoriser la collaboration.
Un formateur Agile devrait s’efforcer d’accéder à la salle avant la séance de formation ou de coaching afin de s’assurer que la configuration et le contenu de la salle facilitent l’atteinte des objectifs de la formation Agile. Par exemple :
- disposition des bureaux pour favoriser le travail de groupe interactif et l’animation efficace des ateliers;
- disponibilité d’espaces sur les murs, de tableaux blancs et/ou de tableaux à feuilles mobiles pour favoriser la collaboration;
- utilisation de projecteurs, de tableaux électroniques et d’autres outils multimédias comme aides audiovisuelles;
- distribution du matériel de cours requis : cahiers de cours, notes autocollantes et marqueurs.
Dans certains cas, un accès préalable à la salle de la formation est impossible; un formateur Agile devrait donc toujours avoir plus d’un plan! Voici, par exemple, ce qu’était mon plan A lors d’une récente formation Agile. J’imaginais que les bureaux de la salle de formation seraient placés en îlots; j’aurais suffisamment de place sur le mur pour permettre à trois équipes de créer des tableaux de style kanban; j’aurais accès à un projecteur pour présenter les diaporamas et, finalement, les cahiers et documents de cours auraient été livrés.
À mon arrivée dans la salle de formation, tôt le matin, je me suis vite rendu compte que mon plan A était loin de la réalité! Les bureaux étaient disposés en U; la salle n’avait pratiquement pas de murs, mais comptait de nombreuses grandes fenêtres; la lampe du projecteur était grillée, ce qui le rendait inutilisable. De plus, l’administrateur du cours m’a informé que la livraison des cahiers de cours ne pourrait être faite qu’à l’heure du dîner.
Heureusement, j’avais un plan B et même un plan C pour assurer le succès de la formation Agile! J’arrive généralement de 30 à 60 minutes avant une formation. Nous avons donc pu replacer les bureaux en îlots, une disposition optimale. J’avais prévu, dans mon plan B, d’apporter du ruban de peintre; j’ai pu recréer des panneaux kanban aux fenêtres de la classe. J’avais aussi un projecteur portable. Et, si je n’avais pas eu de projecteur portable, mon plan C prévoyait de pouvoir enseigner sans projecteur ni cahier de cours. J’avais apporté une large feuille autocollante qui m’aurait permis de partager, avec les participants, les informations clés du cours jusqu’à ce que les cahiers soient livrés.
Investir dans la formation Agile
L’une des ressources les plus importantes et les plus limitées d’une organisation est la disponibilité des gens. Une formation Agile peut consister en une séance de coaching d’une heure, un atelier de 2 à 4 heures ou encore s’étaler sur plusieurs journées; peu importe la durée, la formation requiert un investissement en temps équivalent de la part des participants.
Les participants à la formation Agile, et la direction qui investit dans celle-ci, veulent en tirer le meilleur parti, car ils ne peuvent exercer leurs fonctions habituelles pendant la durée de la formation.
L’excellente technique ROTI (Return On Time Invested – Retour sur le temps investi) permet à un formateur Agile d’obtenir des commentaires sur la valeur reçue par rapport au temps investi, lors de la formation Agile. Les participants communiquent la valeur perçue avec leurs doigts, comme l’illustrent les images ci-dessous :
Pour valider l’efficacité de la technique ROTI, le formateur Agile doit assurer un suivi auprès des participants, soit par l’observation et le coaching ou par un atelier postformation. Il invitera les participants à fournir des exemples pratiques de l’application des concepts et techniques agiles appris, en lien avec l’amélioration de leur rendement, afin de démontrer comment cette approche les a aidés à atteindre leurs objectifs organisationnels, professionnels et/ou personnels.
Terminologie utilisée dans Agile
Les carnets (backlogs), les itérations (sprints), les épopées (epics), les récits d’utilisateur (user stories), les supports d’information (information radiators)…, la liste du jargon technique d’Agile n’en finit plus de s’allonger. Ce peut être assez déroutant, intimidant et/ou décourageant pour quiconque entreprend un parcours d’apprentissage.
Les formateurs Agile efficaces sont très conscients du défi que pose la terminologie utilisée dans la méthode Agile. Le réflexe de nombreux formateurs est de commencer par enseigner la terminologie, la théorie et la technique d’un concept Agile. Prenons, par exemple, l’enseignement du poker d’estimation (ou poker de planification).
La plupart des formateurs agiles essaieront d’expliquer l’estimation relative par rapport à l’estimation quantitative conventionnelle, l’utilisation d’une suite modifiée de Fibonacci, et leur application à l’estimation des cartes de poker d’une équipe Agile afin d’évaluer de façon relative les récits d’utilisateurs.
En utilisant cette approche « expliquer d’abord », les formateurs ne tarderont pas à voir une expression de confusion sur le visage des nouveaux apprenants.
En tant qu’entraîneur de divers sports, j’ai souvent constaté ce type de confusion lorsque j’enseignais aux enfants et aux adultes les règles, les rôles et la terminologie d’un nouveau sport.
J’ai utilisé une technique éprouvée à la fois dans un contexte sportif et dans le coaching Agile. Cette technique permet de relier un nouveau concept à la terminologie correspondante, pour en assurer l’apprentissage, la rétention et l’application efficaces. On la nomme technique DECR : Démonstration, Explication, Correction et Répétition. Alors, comment fonctionne cette technique DECR?
La première étape de la technique DECR consiste en une démonstration pratique du concept Agile – qui devrait idéalement s’apparenter à une situation à laquelle les participants peuvent s’identifier dans leur propre environnement – tout en établissant une communication franche et directe avec les participants.
Ce n’est qu’ensuite que je commence à expliquer la théorie correspondante en faisant référence aux différents aspects de la démonstration.
Lorsque je constate que les participants semblent avoir atteint un niveau « minimal » de compréhension, je les laisse mettre les mains à la pâte et appliquer le concept Agile appris tout en les accompagnant de façon active et en corrigeant les erreurs .
Je répète ce processus jusqu’à ce que les élèves appliquent la méthode Agile correctement et de façon systématique.
J’ai précisé, ci-dessus, de faire une démonstration et de donner juste assez d’explications pour que les élèves atteignent un niveau « minimal » de compréhension; il n’est pas nécessaire que ce soit parfait! Vous voulez que les élèves commencent à appliquer le concept Agile dès que possible, afin de les accompagner et de leur enseigner de façon proactive. L’amélioration vient à force de répéter le concept. La technique DECR favorise grandement l’engagement, l’apprentissage et la rétention de la terminologie et des concepts agiles!
Vous vous trompez!
Ce défi se produit rarement, mais il arrive parfois qu’un élève connaisse bien Agile et souhaite que tous les autres membres du groupe le sachent! En général, cet élève défiera le formateur Agile en lui disant : « Vous vous trompez! ». Les formateurs Agile expérimentés nomment parfois ce défi FLEX « Je sais tout! » ou « complexe de DIEU », alors que l’élève pense tout savoir sur la méthode Agile ou du moins en savoir plus que le coach ou le formateur Agile.
Lors de telles situations, j’ai vu des formateurs Agile expérimentés ignorer ces participants afin d’éviter les conflits, et se concentrer sur les autres participants du groupe. Bien que cette approche puisse permettre de poursuivre la formation Agile, ce défi FLEX peut (j’oserais même dire, devrait) être traité en adoptant une stratégie complètement opposée. Les formateurs devraient favoriser de manière active et positive l’engagement de tels participants; les intégrer dans le succès de la formation plutôt que de les laisser chercher la confrontation, ce qui rend tous les participants (et le formateur) mal à l’aise.
Les formateurs agiles efficaces font preuve d’un fort leadership faisant passer les besoins et les avantages de l’apprentissage du groupe avant leur propre ego. Ils ne devraient pas se sentir menacés ni être insultés par les participants « Je sais tout! » . Ils devraient, au contraire, leur proposer de coanimer les encourageant ainsi à partager avec le reste du groupe leur expérience et leur point de vue sur le concept Agile enseigné.
Ce partage de l’enseignement enrichit la formation Agile en favorisant la participation active à un groupe et témoigne également de solides valeurs agiles comme le respect et l’humilité. Le conflit initial est indirectement désamorcé, en offrant, de façon proactive, un exutoire sain au besoin de se faire remarquer de ce type de participant.
Par: Michael Delis B.Ing. PMP, PMI-ACP, SPC4, ACC, CDAP, CLP, CSP, CSM, PRINCE2
Je suis un coach, formateur et consultant Agile sénior chez PMC – Project Management Centre. Je vous invite à me faire part de vos commentaires sur ce qui précède ainsi que sur d’autres difficultés que vous avez peut-être rencontrées dans le cadre d’une formation Agile et dont il n’a pas été question ici ou dans la Partie 1 de cette série.